La principale suspecte du meurtre de Lola, d'origine algérienne, était en situation irrégulière et sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français. Une mesure administrative très critiquée car… peu exécutée.

Le meurtre de la jeune Lola, 12 ans, a créé une vague d'indignation et d'incompréhension dans le pays. La principale suspecte, de nationalité algérienne, est arrivée en France en 2016 de manière légale et avait obtenu un titre de séjour étudiant, aujourd’hui périmé. Le 21 août dernier, alors qu’elle voulait prendre l’avion, la jeune femme a été interpellée par la police de l’air et des frontières qui a constaté qu’elle ne disposait pas de titre de séjour valide. Elle s'est alors vue délivrer une obligation de quitter le territoire français sous 30 jours. Pourquoi se trouvait-elle encore en France ? Marianne répond à quatre questions sur ces mesures administratives très critiquées.

QU'EST-CE QU'UNE OQTF ?

L'obligation de quitter le territoire français, abrégée en OQTF, est une mesure d'éloignement disposée par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. C’est une décision prise par l’autorité administrative, c’est-à-dire en général le préfet lorsqu’il refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger. L’OQTF oblige à quitter la France par ses propres moyens dans un délai de 30 jours ou, dans certains cas très précis, immédiatement.

Ce document administratif fixe aussi le pays où l'étranger en situation irrégulière sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire. En cas d’inexécution dans les 30 jours, l’administration peut, en théorie, faire exécuter par elle-même l’obligation de quitter le territoire. Les OQTF sont susceptibles de recours devant le tribunal administratif.

COMBIEN D'OQTF SONT PRONONCÉES ET COMBIEN SONT EXÉCUTÉES ?

C’est bien là où le bât blesse : selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, le nombre d’OQTF réellement exécutées, déjà très bas, n’a de cesse de baisser depuis 2015. Cette année-là, 79 750 OQTF étaient prononcées par l’autorité administrative. Seules 13 518 étaient exécutées, soit 17 %.

En 2019, seules 12,4 % des OQTF étaient exécutées, c’est-à-dire 14 777 sur 122 839. Au premier semestre 2021, seules 5,6 % des OQTF conduisaient réellement au départ des étrangers visés, soit seulement 3 501 sur 62 207.

QUE SE PASSE-T-IL QUAND LA PERSONNE NE QUITTE PAS LE TERRITOIRE ?

En raison d’une directive européenne transposée dans la loi en 2012, le séjour irrégulier n’est plus un délit. Autrement dit, les forces de l’ordre ne peuvent interpeller un clandestin pour le seul motif qu’il n’aurait pas de titre de séjour. Ne demeure donc que l’action administrative : une personne peut être retenue et placée en centre de rétention administrative avant d’être renvoyée dans son pays… en théorie.

Car dans les faits, l’administration fait face à de nombreux obstacles. D’abord, la trop faible quantité de places en centre de rétention administrative (CRA). Si depuis plusieurs années, le nombre de ces places augmente, leur taux d’occupation aussi. En métropole, au premier semestre 2019, ce taux était de 86,7 %, contre 68 % en 2017. Par ailleurs, l’enjeu n’est pas tant la rétention que la mise en œuvre effective de l’expulsion.

Autre obstacle : l’obtention des fameux laissez-passer consulaires (LPC). En atteste la récente polémique autour de l’expulsion du prédicateur frériste Hassan Iquioussen, dont le Maroc a finalement refusé l’attribution du laissez-passer consulaire indispensable à son expulsion. Une obtention d’autant plus difficile que certains étrangers détruisent leurs papiers d’identité une fois sur le sol français. Charge alors à la police aux frontières de deviner leur nationalité afin de pouvoir les présenter à leur consul qui délivrera – ou non – le précieux LPC.

Autant de raisons pour lesquelles la rétention d'un individu ne garantit pas son expulsion. La moitié des personnes retenues recouvrent leur liberté sur le sol français. Si des pays comme l’Albanie, la Moldavie ou la Géorgie coopèrent, d’autant plus qu’ils sont candidats à l’adhésion à l’Union européenne, les relations sont bien plus délicates avec les pays du Maghreb ou de l’Afrique subsaharienne.

Y A-T-IL UN PROBLÈME SPÉCIFIQUE AVEC L’ALGÉRIE ?

L’Algérie rechigne à délivrer les laissez-passer consulaires. Conséquence : la France peine à renvoyer les ressortissants algériens visés par une obligation de quitter le territoire. Pourtant, dans les centres de rétention administrative (CRA), les individus retenus sont en majorité des Algériens ou des Albanais, devant les Marocains et les Tunisiens. En 2020, seuls 28,2 % des laissez-passer consulaires demandés par Paris avaient été délivrés dans les temps par Alger, c’est-à-dire en moins de quatre-vingt-dix jours.

S/M/Africsol

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